Comme à New-York

C.A.N. (Comme à New-york)
CAN est un documentaire sur le graffiti sur métro, centré sur la ligne aérienne numéro 6, la plus belle de la RATP, la dernière à avoir des voitures avec des roues et un certain cachet.
En 2009, les graffitis qui ne restaient que quelques heures ont commencé a voir leur espérance de vie croître sur les voitures du métro. De nouvelles formes de graffitis abstraits et engagés tapissent les wagons qui défilent avec la Tour Eiffel et Notre Dame comme toiles de fond.
On suit les aventures du réalisateur et d’un « spotter », un photographe amateur qui chasse les métros tatoués en cherchant les meilleurs spots. Je me transforme moi même en spotter-cadreur en apportant ma pierre à l’édifice à la restitution de cet art public illégal.
La recherche du meilleur point de vue et l’excitation d’un New-york à la Parisienne fait de ce film un must pour les aficionados de l’art urbain.
Le tournage couvre l’année 2019, la fréquence des graffitis sur Métro va crescendo jusqu’à la fin de l’année mais elle connaît un pic début juin. Nous cherchons les raisons de ce laissez-allez avec yohan, le spotter professionnel qui passe des heures à parcourir les différentes lignes de métro parisien pour archiver les pièces des graffeurs. Plusieurs théories sont avancées comme le changement de toutes les rames dans l’optique des jeux olympiques. La RATP laisserait faire puisque les rames vont être modernisé.
On apprend plus tard qu’un conflit social au sein de la société de nettoyage Somatec qui est à l’origine de cette explosion de couleurs sur métro. 20 nettoyeurs, exclusivement ceux de la ligne 6 ce sont mis en grève pour demander une revalorisation salariale, leurs exigences n’ayant pas été satisfaites, ils déverseront des déchets dans les escaliers du métro mais ils cesseront aussi partiellement le travail.
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/une-greve-du-nettoyage-affecte-une-ligne-du-metro-parisiendepuis-
une-semaine-20190605
La grêve ne durera qu’une dizaine de jours mais elle n’explique pas pourquoi les nettoyeurs jouent avec les graffitis. Ils déplacent des portes, mettent des skotchs en croix sur les oeuvres, effacent partiellement certaines voitures avec des stickers blancs. Les métros ne sont plus repeints, ce nouveau procédé par stickage est plus rapide et plus économique, mais on croirait presque qu’il y a
des graffeurs parmi les nettoyeurs.
Cette accumulation de retard dans le nettoyage crée des cadavres-exquis roulants. Les métros sont graffés par des équipes françaises mais aussi internationales, on vient de loin, Italie, Europe de l’Est, Irlande pour peindre la prestigieuse ligne de métro parisienne. Le métro transporte l’art urbain dans l’espace public, le vandalisme rentre ainsi de force dans le champ de l’art publique.
Deux faits nouveaux dans ce qui proposé par les graffeurs ont attiré mon attention. Un graffiti sur métro engagé est né qui accompagne l’actualité et la révolte des gilets jaunes. De gros tags « Mytocratie » par exemple orne certains métros, d’autres graffiti au nom de STEVE, tué par la police à Nantes questionne l’usager sur les violences policières. En parallèle un graffiti abstraits se développe, sans contours, peint au rouleau et non pas à la bombe. Les outils changent, les messages évoluent, on vit une révolution dans le genre.

http://www.drips.fr/quand-le-graffiti-abstrait-sempare-du-metro-parisien/
Alors que la grève s’arrête en juin, le carnage continue donc les causes de cette recrudescence de métros graffés reste inexpliquée.
http://www.lefigaro.fr/flash-eco/paris-suspension-de-la-greve-du-nettoyage-dans-le-metro-
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Le travail du réalisateur qui se meut en spotter est un vrai challenge. Les métros sont filmés à longue distance, d’un pont à un autre. Les panoramiques sont rapides car les métros roulent relativement vites, ils mettent une dizaines de secondes pour parcourir le viaduc de Passy ou le pont de quai de la gare. L’attente est longue, les métros sont parfois rangés ou roulent du côté opposé à la caméra. Il faut filmer lors d’un certain créneau horaire, entre 18h et 20h lorsque la fréquence est la plus importance, c’est une pêche qui n’est pas toujours miraculeuse, mais le jeu en
vaut la chandelle. Le spotter est une des figures principales du film avec le réalisateur et les graffeurs.
C’est un stratège, un tacticien de la chasse. Il note les rames et le placement des pièces sur le métro pour savoir ou se placer dans la station quand prochaine rame va rentrer en station.
Lors de l’heure de pointe, les métros ne restent que quelques secondes en station, le recul pour filmer ou photographier est faible, il faut courir, shooter et espérer que la photo soit réussie. Tout ça pour l’amour de l’art car la plupart des spotters ne partagent pas leurs prises, ils le font par passion, sans calcul.
D’autres partagent leur photos sur les réseaux sociaux, principalement sur Instagram qui est le média social favori de ce monde. Avant même de spotter, on sait donc que certaines pièces sont sur le circuit, elles deviennent des futurs cibles.
La caméra remplace le fusil à lunette, l’oeil est décuplé par le zoom stabilisé de l’appareil. L’environnement est aussi à l’honneur, on ne peut déconnecter ces spots magiques de prises de vue de leur quartier respectif, la BNF du 13ème arrondissement et le viaduc de Passy aux portes du 16ème arrondissement. Pour tuer le temps, je vanne tout ce qui passe dans ma ligne de mire, les sportifs, les artistes, les gens en croisière sur la seine, les jeunes alcoolisés, les amoureux, tout y passe. La caméra crée le contact et des rencontres improvisés autant avec des rappeurs débutants qu’avec des élèves en cours de bizutage ou des photographes étrangers.
La trame narrative porte sur 3 niveaux différents. Les interventions en direct du réalisateur qu’on entend en off s’exprimer sur ces joies, ces frustrations et ces rencontres, le suivi du spotter dans sa chasse et les voix of des trainistes graffeurs qui déclarent leur flamme à la ligne 6.
Cela donne un mélange de chasse au trésor burlesque dans un monde paranoiaque car la pratique du graffiti sur métro est illégal, fortement réprimé, avant par de la prison, maintenant, surtout par de fortens amendes financières. Toutes les identités seront donc protégées, les voix of des graffeurs brouillées. Dans le dévoilement de ce monde secrêt, seul le spotter et le réalisateur avanceront à
découverts.